lundi 23 août 2010

Mercredi 18, on est là !

Je vous écris dans la chaleur de la nuit syrienne, qui se fait sentir malgré la climatisation installée dans pratiquement toutes les pièces de la maison. Elle est bruyante et couvre les bruits de l'extérieur, mais elle est très appréciable et je pense que sans elle on aurait bien du mal à dormir. Notre première nuit ici s'est bien passée, les trois filles ont dormi dans la même chambre après un essai raté pour faire dormir Erell dans sa chambre toute seule, dans son « lit de grande » ; elle a rejoint ses soeurs (qui dormaient déjà), sur un matelas posé au sol, et s'est endormie sans problème ; elle était aussi la première levée ce matin : 8h15. On aurait tous bien dormi davantage mais tant pis, on va récupérer petit à petit de la fatigue du voyage.
Le voyage en avion s'est bien passé puisque nous sommes bien arrivées à bon port, mais ça n'a tout de même pas été de tout repos. Ceux qui connaissent Erell comprendront si je leur dis qu'elle a été... égale à elle-même. Dans un avion, en principe, on se tient tranquille, on lit, on dort, on mange son plateau-repas, on regarde par le hublot... Bon, ça c'est la théorie, et ça concerne surtout les adultes. Les enfants peuvent bouger un peu plus, ne s'intéressent pas forcément au spectacle de la terre vue du ciel, et ont droit à des petits cadeaux avec leur plateau-repas. Notre Erell nationale, elle, a :
 rigolé comme une baleine au décollage des deux avions,
 très vite demandé à se détacher (les hôtesses, elles, étaient encore assises et attachées !),
 décidé qu'être pieds nus c'était beaucoup plus confortable,
 crié à la cantonade, comme à la maison, « j'veux faire cacaaaaaaaa » dans un A320 bondé,
 trouvé que se rouler par terre dans l'allée de l'avion, c'était super drôle,
 trouvé super drôle aussi de se mettre debout sur son siège quand le steward a demandé de s'asseoir et de s'attacher pour cause de turbulences...
Bref, je vous en passe et des meilleures, mais je vous avoue qu'à la fin du voyage, j'étais épuisée comme après un marathon. Comment ça, je n'ai jamais couru de marathon ? Vous êtes vraiment tâtillons.

Yuna, elle, a été sage comme une image, a lu, dessiné, mangé bien tranquillement et de façon très autonome, parlé avec ses voisins, regardé par le hublot... Impeccable. Amélie a été difficile à tenir elle aussi, mais dans un autre genre : barbouillée, mal au ventre, pas d'appétit (même le chocolat de son plateau-repas ne lui a pas donné envie, c'est dire !), plaintive, « j'veux papaaaaaaa », « maman, regarde dehors, l'avion s'est arrêté, on n'avance plus ! »... Tout un programme, elle aussi. Lorsqu'on nous a annoncé la phase de descente, je commençais à me dire que ça ne finirait jamais. L'atterrissage dans un paysage désertique a été très impressionnant. Après avoir survolé la Méditerrannée turquoise et des îles non identifiées, nous nous sommes retrouvées au milieu de nulle part, avons observé des maisons toutes carrées aux toits plats, et par-ci par-là des minarets éclairés par des néons verts. Après un atterrissage toujours impressionnant, nous avons pu rassembler nos affaires (et les filles s'étaient montrées très efficaces pour éparpiller leurs petites choses) et descendre sur la piste ; là, un bus nous a emmenées jusqu'au terminal où nous attendait un papa impatient de retrouver ses trois princesses. Après des retrouvailles intenses et beaucoup de cris de joie des filles (les autres passagers de l'avion étaient très amusés par ce spectacle), il a fallu affronter un souci administratif inattendu et pour le moins éprouvant, sur lequel je ne peux pas m'étendre ici. Nos bagages étaient tous là, des employés de l'aéroport nous ont aidés à les mettre sur des chariots et à les emmener à l'extérieur ; Erell s'est retrouvée assise sur les valises, hilare ! Nous avons pu tout mettre dans la voiture (le 4x4 est donc bien plus grand que notre Scénic !), et quitter l'aéroport. C'est là qu'a commencé notre aventure, et je pèse mes mots, car débarquer à Damas en voiture à 21h en plein ramadan, c'est effectivement toute une aventure. Les routes sont larges et n'ont aucun marquage au sol, on roule comme on veut, comme on peut... Les piétons traversent n'importe où, l'autoroute ne leur fait pas peur. Les gens pique-niquent sur les bords de la route pour rompre le jeûne et traversent les voies, mal éclairées. Nous avons cru renverser une femme que nous n'avons vue qu'au tout dernier moment, mais qui nous avait vus et ne semblait pas du tout effrayée... elle ! Malgré la fatigue, nous sommes allés dîner dans un restaurant situé sur les hauteurs de Damas, sur le mont Qassioun, qui domine la ville entière, immense et éclairée de toutes parts à cette heure-là. Les filles n'ont pas adoré le repas, mais auront sans doute besoin d'un peu de temps pour s'habituer aux saveurs d'ici (cela allait mieux aujourd'hui déjà). Je ne saurais écrire comment s'appelaient les différents plats disposés devant nous, mais je sais au moins qu'il y avait du hoummous, une salade variée, une espèce de crème de poivrons, d'autres plats encore, et surtout de grandes boissons rafraîchissantes à la menthe et au citron ; mais attention, pas du sirop de menthe et de citron ! Non, de grands verres remplis de jus de citron et de menthe fraîche hâchée, ainsi que de la glace pilée : du « polo », comme ils appellent ça ici. Les filles n'ont pas aimé, moi oui ! C'est très rafraîchissant, et cela faisait du bien car il faisait encore 35° à 21h30.

Au lever ce matin, c'était étonnant de découvrir le paysage vu de la maison : nous sommes sur les hauteurs, derrière le mont Qassioun, et en face de la montagne au sommet de laquelle se trouve l'immense palais présidentiel. Plus près de nous, nous avons une belle mosquée, d'où nous avons entendu plusieurs fois aujourd'hui l'appel à la prière. Les montagnes sont comme « pelées », il n'y pousse pas grand chose, tout est couleur ocre, et sans lunettes de soleil, au plus fort de la journée, on ne peut pas regarder très longtemps le paysage, on est vite aveuglé.
La matinée nous a donné l'occasion d'aller voir l'ambassade et de rencontrer les collègues d'Olivier, mais aussi de faire des photos d'identité qui nous serviront pour les papiers encore à faire et les incriptions des filles à l'école ; là encore, Erell a fait des siennes et choper une photo au vol n'a pas été une partie de plaisir ! Mais le photographe y est arrivé (il ne parlait pas anglais, nous pas arabe, mais on a réussi à se comprendre quand même), et nous avons ensuite pris la direction du lycée Charles de Gaulle, où nous n'avons pas pu entrer, il faudra y retourner la semaine prochaine. Je ne l'écris pas à chaque fois, mais chaque trajet en voiture me donne des sueurs froides... Petit passage, en fin de matinée, au centre commercial pour acheter quelques petites choses, mais impossible de manger sur place, c'est le ramadan et tout est fermé, même notre bouteille d'eau à la main était un peu gênante. Nous avons rapporté des plats cuisinés, que les filles ont mangés parce qu'ils se rapprochaient de ce qu'elles connaissent : du poisson et du riz, mais le tout préparé à la syrienne, et pour nous, de la viande et des poivrons avec un riz cuisiné encore différemment. Cet après-midi, nous avons reçu la visite d'un collègue d'Olivier et de sa femme (syrienne), qui m'ont offert un magnifique bouquet de fleurs en signe de bienvenue, et pour les filles des gâteaux très appétissants que nous dégusterons demain. Puis, une fois le grand soleil de la journée un peu descendu, nous avons repris la voiture pour aller visiter la vieille ville de Damas, les souks autour de la citadelle et de la grande mosquée des Omeyyades. Là, nos trois blondinettes ont fait sensation, des gens s'arrêtaient sur notre chemin pour les regarder, les toucher, et les serveurs d'un bar où nous étions attablés ont même sorti les téléphones portables pour les photographier, en particulier Erell, qui a d'abord tenté de jouer les timides mais a vite pris goût au jeu et a sorti ses grands sourires de charmeuse... Dans les souks, les filles se sont extasiées sur les bijoux, les vêtements, les objets en cuir ou en marqueterie, mais aussi les peluches, les poupées et les princesses Disney... Pendant ce temps-là, Olivier et moi repérions des objets que nous verrions bien dans notre maison... Chacun ses centres d'intérêt ! Nous avons aussi fait une rencontre improbable avec un couple de jeunes allemands qui cherchaient la mosquée des Omeyyades : Olivier a préféré les accompagner plutôt que leur expliquer le chemin, et nous voilà partis à parler avec eux, in English of course, à travers des ruelles, pour ensuite leur montrer un restaurant où on mange bien... Après les avoir laissés, nous les avons retrouvés par hasard, attablés dans le bar où Erell a fait sensation. Nous avons enfin repris le chemin de la maison où nous avons pris un bon repas et douché les deux grandes crapouillettes, qui trouvent très drôle, malgré nos remontrances, de faire des glissades sur le carrelage : il faut dire que l'espace particulièrement vaste incite au défoulement, mais la combinaison carrelage glissant + fine pellicule de poussière présente en permanence (du sable, sans doute apporté par le vent) les a fait chuter plus d'une fois et a donné des filles dégoûtantes qui ont adoré la douche à l'eau froide, sans la moindre plainte : au contraire, ça fait du bien !

Voilà pour le récit de ces deux journées, au bout desquelles je pourrais déjà écrire beaucoup de choses sur les impressions qui se bousculent à chaque découverte. Les gens sont adorables, particulièrement courtois et souriants, semblent très flattés que l'on soit venus dans leur pays, sont amoureux de nos filles, mais ont à mon goût le grand défaut de ne pas savoir conduire !

Nous pensons fort à vous tous qui lisez ce blog, et aussi à vous qui êtes venus à l'aéroport hier matin. J'étais stressée et n'ai pas pu profiter de votre présence comme je l'aurais voulu, c'est allé très vite entre notre arrivée à St-Jacques et le décollage de l'avion, et je suis frustrée de n'avoir pu être plus souriante.

Yuna parle beaucoup de Laetitia, Amélie aussi disait hier soir qu'elle était quand même un peu triste de ne pas revoir ses copains bientôt. Mais pas de pleurs, juste des mots pour dire ce qu'elles ressentent. Et elle disent aussi beaucoup qu'elles aiment cet endroit, cette grande maison, ces nouveaux lits, cette nourriture, ces monuments impressionnants... Pour Erell, les drapeaux syriens qui flottent partout sont des drapeaux bretons, et pour Amélie les gâteaux sont un peu comme le Kouign Amann... On rigole de temps en temps, il faudra que je pense à écrire leurs remarques au fur et à mesure, ça vaut son pesant de cacahuètes.

11 commentaires:

  1. Preums :D !
    Génial de lire ces premières impressions ! Je sens que la suite va être passionnante. Je pense à toi, à vous.

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  2. Je suis HEUREUSE de lire d'aussi bonnes nouvelles !
    C'est dépaysant rien qu'en te lisant Fred.
    Je vous souhaite encore tout plein de belles découvertes, je vous embrasse bien fort et compte sur moi pour venir voir ici ce qui se passe quotidiennement !

    A très bientôt !

    ps : une nouvelle ici, je fais ma rentrée une semaine avant les enfants, j'ai été embauchée pour un contrat d'au moins 5 mois comme assistante pédagogique dans une école de commerce à Cesson, youpie !)

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  3. whaouh !!! ça fait plaisir de lire tout ça, ça me fait penser à mon voyage au Maroc : les souks, les mosquées, les gens très accueillants et qui ne savent pas conduire !!! C'est bien si les filles sont contente d'être là.

    Par contre j'aurais juste une remarque à faire : quel est l'intérêt de partir si loin pour voir flotter des drapeaux bretons et manger du kouign amann ??!!! :) Continue d'écrire leurs petites remarques c'est trop mignon !!!

    Bisous à tous !

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  4. Erell, n'as tu rien appris à l'école cette année ?
    Les formes et les couleurs sont différentes, quand même !!

    :-)

    Contente de lire des nouvelles de la petite famille, j'imagine en effet très bien les 3 poulettes dans le souk.

    Bises

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  5. Merci merci nous voyageons grâce à vous !
    bises et belles découvertes

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  6. on s'y croirait en te lisant
    merci de prendre ce temps pour partager avec nous, ces retrouvailles, ces découvertes...
    j'ai beaucoup ri en imaginant Erell dans l'avion
    bises à vous 5

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  7. si tu savais ce que je suis heureuse de lire vos aventures !
    j'ai hâte d'en lire encore, on a l'habitude de lire des blogs d'expatriation vers les USA, mais rarement (voire jamais) vers l'Orient, c'est vraiment dépaysant !
    A très vite, gros gros bisous !

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  8. Merci de nous faire voyager par procuration. Ce blog est une très bonne idée.
    Compte sur nous pour venir lire vos aventures. Marie et Manon seront contentes.
    Nous vous embrassons et à très bientôt de vous lire.
    Je me dépêche de mettre ton blog dans mes favoris.
    Steph & Co

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  9. Coucou les breton(ne)s from Damas !
    tandis que vous vous expatriez nous nous enfonçons dans la breiz'itude... bientôt briochins...
    Mais, mais, mais, tous tes mots réveillent en moi tant de souvenirs de mon enfance... nous allons VRAIMENT venir vous voir... trop envie de Middle East...
    Bises

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  10. Coucou à toute la tribu expatriée !

    Cela fait vraiment plaisir d'avoir de vos nouvelles...
    Toutes ces petites anecdotes, ces réflexions et explications nous permettent de voyager avec vous : c'est sympa, pas le mal de l'air, pas de décalage horaire et pas cette sensation d'étouffement à cause de la chaleur, on reste bien tranquille derrière notre ordinateur.
    Mais ça donne envie quand même !!! de voyager !!
    On a l'impression d'être avec vous (on serait quand même peut-être un peu serrés chez vous si on était vraiment tous là !!).

    Profitez de chaque moment, de chaque rencontre, chaque découverte et racontez-nous la suite ....

    A très bientôt

    StéphAnaLou & T.

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  11. Ouaaaah, quel grand bond en avant !!
    Merci pour ce bel article, on attend les photos !
    A Tahiti aussi, notre vie n'a rien à voir avec ce que nous connaissions, et elle est pourtant totalement différente de ta nouvelle vie !
    Vive les échanges via les blogs !
    Combien de km entre Tahiti et la Syrie ?
    Bises
    Stéphanie

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